samedi, 04 juillet 2020
Agadez: Cuisine Collective pour des migrant-e-s bloqué-e-s au Niger

Le 4 Juillet 2020, la 1ière Cuisine Collective pour des migrant-e-s bloqué-e-s au Niger a eu lieu au bureau d'Alarme Phone Sahara à Agadez.

 

En face de la crise de Covid-19, des migrant-e-s des différents pays de l'Afrique subsaharienne se retrouvent présentement bloqué-e-s au Niger. Beaucoup d'entre eux se retrouvent au Niger après d'avoir été emprisonné-e-s et refoulé-e-s de l'Algérie et de la Libye, d'autres ont fuit la Libye à cause de la guerre et des violations massives des droits humains. Pendant les dernières années, des milliards d'Euros étaient investis dans les pays du Maghreb et au Niger par les états européens pour stopper des migrant-e-s et réfugié-e-s en cours de route et pour les forcer à rentrer dans leurs pays d'origine. En temps de la pandémie de Corona, cette politique du régime frontalier se transforme en piège pour des milliers de gens qui ne peuvent ni avancer sur leur trajet, ni rentrer dans leurs pays d'origine. Le Niger lui-même est considéré comme l'un des pays les plus appauvris du monde. Les infrastructures publiques, les soins médicaux et les services d'intérêt général adéquats n'existent pas pour les citoyen-ne-s nigérien-ne-s, ni pour tou-te-s les migrant-e-s et réfugié-e-s qui sont bloqué-e-s sur le territoire du Niger. Les grandes structures internationales, notemment l'HCR et l'OIM qui font eux-mêmes parti de la politique du contrôle migratoire, n'assument pas leur responsabilité de rassurer des conditions de vie dignes pour toutes les personnes qui vivent présentement dans leurs camps de transit et camps de réfugié-e-s. Mais la vie est encore plus précaire pour les gens qui vivent hors des structures officielles, dispersées dans les ghettos des migrant-e-s.

Face à cette situation, l'équippe d'Alarme Phone Sahara (APS) à Agadez au Niger a mis en place un projet de Cuisine Collective en collaboration avec des différent-e-s communautés de migrant-e-s et réfugié-e-s qui se retrouvent dans cette ville à la lisière du désert nigérien. D'un part, la cuisine collective est un soutien pratique pour les besoins quotidiens des personnes qui se battent pour survivre dans des conditions très précaires. En outre, elle contribue à renforcer l'auto-organisation et l'assistance mutuelle solidaire au sein des différentes communautés migrantes. Et pour Alarme Phone Sahara, la cuisine collective donne aussi la possibilité d'améliorer l'échange et le partage d'informations avec les migrant-e-s.

 

Ba Amadou: "Aujourd'hui, l'homme est très heureux, l'homme a beaucoup souffert aussi. L'homme était à Algers et à Oran. Mon nom, avant tout, c'est Ba Amadou. Je suis Guinéen, fier d'être Guinéen aussi, malgré la galère qui nous a dominé. Inch'Allah, un jour ca va aller!"

Un migrant de Guinée: "Je félicite APS, la compagnie d'APS. Vraiement, on remercie beaucoup. On est des immigrés. Des immigrés du désert. Algérie, Maroc, Libye."

Alpha Diallo: "Du courage, salut APS! Moi, c'est Mohammad Alpha Diallo. Aujourd'hui on est venu suivi votre cour. Mais je suis très content aujourd'hui, parce que on m'a bien acueilli, bien recu quand même! Je ne sais pas comment je vais qualifier, wallahi, APS est le Number One ici au Niger! Depuis que j'ai attrapé la route, j'ai pas eu des gens comme eux! Aujourd'hui ils m'ont très très accueilli! J'ai eu tout, vraiement beaucoup de choses! Vraiement, je suis content pour APS! Quiquonque voie ca, ils n'ont qu'à venir assister le group là! Wallahi, c'est bon, très content, merci beaucoup!"

 

 

Rapport de la première journée de Cuisine Collective en faveur des migrants

par Dr. Chéhou Azizou, coordinateur d'Alarme Phone Sahara à Agadez

 

Le samedi 04 juillet 2020 a été organisée la toute première Cuisine Collective destinée aux migrant-e-s au bureau d’APS à Agadez au Niger. C’est la communauté de la Guinée Conakry qui a été à l’honneur pour cette première expérience. Plus d’une trentaine de migrant-e-s composés d’hommes, de femmes et d’enfants mineurs ont répondu présents.

La cérémonie a été riche d’enseignements. Cela est le résultat de plusieurs jours d’échanges des activistes du réseau qui ont voulu innover dans les actions en direction des migrants conformément à la ligne directrice que s’est assigné le réseau transnational APS. Un comité d’organisation est mis en place pour la conduite de l’activité.

 

La phase préparatoire

Durant plus d’un mois l’idée d’assister les migrant-e-s bloqués à Agadez de suite de la pandémie du Corona Virus a été débattue à plusieurs reprises. Un consensus général s’est dégagé en faveur d’organiser des repas collectifs pour les migrant-e-s et préparés par eux-mêmes pour montrer la solidarité d’APS avec ces personnes. L’objectif primordial assigné est de permettre à ces personnes vulnérables de savoir qu’il existe au moins une organisation soucieuse de leurs conditions de vie du fait des défis dressés sur leur chemin de l’aventure. A cet effet, un certain nombre d’actions sont retenues.

 

 

Les modalités d’organisation des journées de Cuisine Collective

Plusieurs fois des migrants bloqués à Agadez ont sollicité le concours d’APS pour des assistances sanitaires et alimentaires. Selon ses possibilités aussi réduites, la structure a de tout temps prêté une oreille attentive aux doléances qui lui sont soumises. A certaines, il y a eu des réponses internes. Mais pour des cas dépassant ses compétences la coordination a orienté et accompagné les migrant-e-s en besoin vers des organismes plus nantis tels que l’International Rescue Comity, Médecins Sans Frontières et Médecins du Monde. Selon les procédures propres à ces organisations, elles ont apporté les réponses aux demandes des personnes migrantes. Certains des bénéficiaires rendent compte de leurs acquis alors que d’autres ne font jamais de feedback une fois leurs doléances satisfaites. Pour mieux structurer ses interventions APS a finalement décidé d’agir autrement à l’interne.

 

 

Les activités initiées

 Avant le jour de la cuisine collective, il était convenu de définir tous les besoins à satisfaire pour réussir l’activité. L’endroit retenu pour la tenue de l’activité étant le bureau de la coordination APS, il fallait chercher du matériel pour rendre la présence des invité-e-s plus confortables. Cela nécessite des locations de hangars, chaises, tables, ustensiles de cuisine (marmites, louches, râpeuses, assiettes, plateaux, cuillères,fourchettes, bassines, bols, couteaux, etc.). Le coût de location pour ce matériel étant assez élevé pour une longue période, les débats ont penché en faveur d’achats pour que cela soit la propriété d’APS. Deux banderoles (en Français et anglais) sont confectionnées pour la visibilité de l’activité.

Pour ce qui est de l’alimentation à cuire, elle est décidée de commun accord avec les représentants des bénéficiaires. Apart les dépenses pour la nourriture, les frais des déplacements des personnes invitées sont aussi pris en charge, puisqu’elles vivent dans des endroits différents le plus souvent situés aux extrémités de la ville pour échapper aux répressions des forces de défense et de sécurité. Les achats pour les besoins de la cuisine sont faits avec les représentants des personnes migrantes accompagnées de volontaires APS. Il a été rapporté par les responsables des achats que la valeur des articles varie en raison de la fermeture des frontières. Le Niger vit essentiellement des importations.

 

 

 

Le déroulement de la cuisine

Tôt le matin du samedi 04 juillet 2020, les femmes chargées de la cuisine et les volontaires APS se sont rendues au marché pour les achats. Et la cuisine a démarré avec un léger retard. Mais entre 13h et 14h, les plats sont servis et les invités ont dégusté le repas. Ils ont témoigné à travers des vidéos leur reconnaissance à APS. Les bénéficiaires sont rentrés dans leurs foyers après 16 heures locales. Le comité s’est par la suite attelé au nettoyage de la cour du bureau.

 

Constats dégagés par le comité sur la première Cuisine Collective

De l’idée de la Cuisine Collective à sa réalisation les militants d’APS ont fait des observations :

  • L’activité initiée est salutaire à plus d’un titre.
  • Mais des dispositions pratiques sont à entreprendre pour le futur.
  • Sans prendre de mesures, il y aurait plus de 30 personnes désirant assister à la Cuisine Collective.
  • Le coût par bénéficiaire devrait être revu à la hausse parce que d’autres besoins tels que l’eau de boisson (du fait du climat chaud) et le thé sont à prévoir en quantité suffisante.
  • Un peu d’animation musicale pourrait remonter le moral des bénéficiaires au cours de l’intervalle du repas.
  • Les bénévoles d’APS devraient être soutenus pour les encourager à s’impliquer plus pour les prochaines rencontres avec d’autres communautés.
  • Le fait d’avoir un lanceur d’alerte parmi les migrants en la personne de Sadio Diallo participe bien à l’accès aux autres communautés dans les foyers.
  • Des demandes non de moindres sont à considérer pour les prochaines activités à savoir : l’achat d’un petit mortier et d’un pilon en métal pour piler les condiments, une brouette et une pelle pour le nettoyage du lieu après la cérémonie et l’acquisition d’un réchaud à gaz pour le besoin de l’eau chaude, du café et du thé, etc.
  • Au plan culturel, l’organisation des prières collectives impose l’achat de matériel de masque de protection contre le corona virus et de bouilloires pour les ablutions.

 

 

 

Conclusion

La première expérience de la Cuisine Collective est utile dans le sens où elle a permis de mesurer la capacité organisationnelle d’APS. Cela prouve qu’en plus de l’organisation de la commémoration du 06 février, d’autres facteurs sont réunis pour la visibilité d’APS au Niger et dans le monde. Les actions futures impacteront certainement l’avenir d’APS dans les contextes national et international.

 

Pour le comité d’organisation,

Le Coordonnateur APS

Dr. Chéhou Azizou