Alarme Phone Sahara se bat pour assister les gens expulsé.e.s de la Libye au Niger dans des conditions impitoyables
Des personnes expulsées de Libye à bord d'un convoi d'expulsion arrivent à Latai, au Niger.
©Alarme Phone Sahara
Entre le 28 mars et le 25 avril 2025, 783 ressortissant.e.s nigérien.ne.s pour la plupart, dont des femmes et des mineurs, sont arrivés dans les villes désertiques de Madama, Latai et Siguidine après avoir été expulsé.e.s de Libye. La plupart des personnes concernées avaient été détenues auparavant dans des centres de détention en Libye. Selon les lanceurs d’alerte d’Alarme Phone Sahara, au moins une personne est décédée sur le convoi d’expulsion qui est arrivé au Niger le 25 avril.
Depuis le 28 mars 2025, selon les observations des lanceurs d’alerte d'Alarme Phone Sahara, 783 migrant.e.s sont rentré.e.s au Niger depuis la Libye : parfois de manière violente par les forces de sécurité libyennes, parfois de manière autonome. Toutefois, au vu de la situation menaçante en Libye, on peut douter que ces décisions de retour aient été réellement volontaires (voir aussi : www.refugeesinlibya.org ).
Elles sont refoulées par les forces de sécurité libyennes de la zone contrôlée par les milices du général Haftar vers le sud de la Libye, voire jusqu'au nord du Niger. Pour ce faire, les personnes concernées sont soit arrêtées dans le cadre de rafles dans l'espace public et placées directement dans des camions pour être expulsées vers le sud. Ou bien elles sont emmenées dans des centres de détention d'où elles sont ensuite expulsées. Il n'est pas rare que les migrant.e.s soient contraint.e.s de payer l'essence du véhicule d'expulsion.
Les lanceurs d’alerte d'Alarme Phone Sahara rapportent que ces camions arrivent dans la région frontalière nigérienne de Kaouar à Latai et Siguidine. Rien qu'au début du mois de janvier, 613 personnes ont été expulsées de la Libye vers la région frontalière nigérienne (https://alarmephonesahara.info/fr/blog/posts/613-personnes-expulsees-de-la-libye-au-niger).
Arrivée de personnes expulsées dans le désert du Niger - solidarité concrète sur le terrain
Latai représente un carrefour où les gens arrivent et poursuivent leur route. Les personnes expulsées arrivent les mains vides, souvent blessées, assoiffées et affamées. Elles dépendent du soutien de la population locale, qui les aide avec des dattes ou d'autres dons de nourriture, et les laisse parfois dormir dans leurs fermes, bien qu'elles aient elles-mêmes peu d'argent et de nourriture à disposition. Il n'est pas rare que les personnes expulsées dorment à l'intérieur du village désertique et tentent de se débrouiller en travaillant comme journaliers.
Des personnes expulsées de Libye dans des camions d'un convoi d'expulsion arrivent au Niger. ©Alarme Phone Sahara
Certaines personnes concernées sont chargées dans de grands camions organisés par l'armée libyenne et conduits par des chauffeurs nigériens. Ils passent par les localités nigériennes de Latai et Siguidine, dans le désert, avant de poursuivre leur route vers Agadez.
Les lanceurs d’alerte d'Alarme Phone Sahara soupçonnent que de tels transports jusqu'à Agadez sont organisés par les forces libyennes afin de rendre plus difficile un éventuel retour des migrant.e.s dans ce pays de l'Afrique du Nord. Certaines personnes expulsées restent dans la région du Kaouar et cherchent du travail à Siguidine, Bilma ou Dirkou afin de réunir suffisamment d'argent pour retourner en Libye.
Cependant, il est actuellement très difficile d'entrer en Libye. Les voyageurs font état de contrôles stricts à la frontière nigéro-libyenne dans les deux sens. Le contrôle rigoureux en direction du Niger a notamment pour conséquence que les expulsions de citoyen.ne.s non nigérien.ne.s se font dans de petits véhicules afin de contourner les postes-frontières. En effet, l'État nigérien s'oppose jusqu'à présent à l'accueil des ressortissant.e.s non nigérien.ne.s expulsé.e.s de la Libye et les renverrait en Libye. Par conséquent, nous pouvons supposer que beaucoup plus de personnes sont expulsées de manière clandestine.
Alarme Phone Sahara assisting people deported from Libya by distributing dates. ©Alarme Phone Sahara
Les lanceurs d’alerte d'Alarme Phone Sahara fournissent des dattes et de l'eau aux personnes qui arrivent dans les villes désertiques de Latai et Siguidine. Si nécessaire, ils accompagnent également les personnes blessées ou malades dans les dispensaires locaux de la ville voisine de Dirkou. Mais ce soutien ne suffit pas. Les gens se débrouillent dans la rue dans des conditions précaires. Beaucoup patientent devant les portes du centre de l'OIM à Dirkou, qui est surpeuplé depuis des mois et qui promet en fait le soi-disant retour volontaire dans les pays d'origine.
Alarme Phone Sahara exige l'arrêt de toutes les expulsions à partir de la Libye et la fin des deals anti-migratoires des états européens avec les forces armées en Libye!
Chronique des événements dans la région de Kaouar 28.03 – 25.04.2025 selon les sources d'Alarme Phone Sahara :
28.03.25
Médecins sans frontières retrouve 16 personnes dans le Sahara près de Siguidine, dont une femme et sa fille, qui y sont mortes de soif. Leur nationalité est inconnue. Neuf autres personnes sont toujours portées disparues. Elles se sont perdues dans le désert.
04.04. - 06.04.25
62 migrant.e.s du Niger, régions d'origine Zinder et Magaria, arrivent à Latai.
07.04.25
47 migrants nigériens arrivent à Latai en provenance de Libye, l'APS distribue des dattes.
08.04.25
69 migrant.e.s nigérien.ne.s arrivent à Siguidine depuis la Libye, l'APS leur distribue des dattes.
09.04.25
Le Bureau libyen de lutte contre l'immigration clandestine (en abrégé : DCIM) expulse 79 migrant.e.s de nationalité nigérienne du camp de détention d'al-Qatrun par le poste-frontière terrestre d'Al-Toum.
Entre Latai et Siguidine, un accident se produit avec un camion transportant 17 personnes venant de la Libye. Parmi les passagers se trouvent cinq Nigérians et douze Nigérien.ne.s (cinq femmes, deux filles et cinq hommes). La Croix-Rouge, la protection civile de la municipalité et l'APS ont apporté leur aide. Sept blessés sont transportés à l'hôpital de Dirkou avec le soutien de l'APS et de MSF.
15.04.25
62 migrant.e.s arrivent à Latai en provenance de Libye, dont 7 Nigérian.ne.s (dont 3 femmes) et 52 hommes nigériens.
18.04.25
24 Nigériens expulsés arrivent de Libye à Latai.
25.04.25
Ce jour-là, un convoi composé de trois véhicules est arrivé à Madama. A son bord, 407 personnes ont été expulsées : La plupart d'entre elles étaient des Nigérien.ne.s, à l'exception de 10 Burkinabè et de 7 Nigérians. Une personne est décédée sur le convoi d’expulsion. L'un des trois véhicules étant tombé en panne, les personnes sont toujours bloquées dans la ville nigérienne de Madama, située dans le désert et à la frontière. Il n'y a pas de camp ni d'aide humanitaire suffisante sur place.