vendredi, 17 mars 2023
Appel urgent: Crise humanitaire à Assamaka, frontière nigéro-algérienne: des milliers de personnes en situation de vulnérabilité expulsées d’Algérie et livrées à elles-mêmes au milieu du Sahara, sans abri ni soins.

Mise à jour de l'information : Avec les deux derniers convois d'expulsions "officiels" et "non-officiels" du 15 mars 2023, le nombre total de personnes expulsées d'Algérie vers le Niger au cours des 11 premières semaines de cette année s'élève à au moins 9686, selon les observations d'Alarme Phone Sahara.

MSF - Médecins Sans Frontières a également publié un communiqué de presse urgent appelant à une protection immédiate des personnes abandonnées dans des conditions extrêmement précaires à Assamaka.

Des personnes expulsées d'Algérie au Niger au commissariat d'Assamaka 

(date inconnue) © Alarme Phone Sahara

Cri d'Alerte par Alarme Phone Sahara sur la crise humanitaire à Assamaka à la frontière nigéro-algérienne, publié le 15 Mars 2023

Assamaka est un village situé au milieu du Sahara, au nord du Niger, à 15 kilomètres de la frontière nigéro-algérienne où vit une population estimée à 1.500 habitants. En raison des expulsions répétées, le village compte le triple, voire le quadriple de sa population autochtone. En toile de fond, des arrivées massives de migrants sans papiers en provenance d'Algérie. Déjà en 2022, au moins 24.250 personnes ont été expulsées vers Assamaka. Au cours des dix premières semaines de l’année 2023, le nombre total de personnes expulsées s'éleverait à 8149 selon les observations d'Alarme Phone Sahara.  

Les personnes expulsées sont des femmes, y compris des femmes enceintes, des enfants et des mineurs, ainsi que des hommes, qui ont souvent fait un voyage éprouvant dans des bus et des camions à travers le désert. Beaucoup d'entre eux ont été systématiquement battus, maltraités et dépouillés par les forces de sécurité algériennes. Une fois arrivées au Niger, ces personnes retrouvent dans une misère totale.

Les transports d'expulsion vers le no man's land algéro-nigérien peuvent être divisés en deux groupes: Dans les transports dits „officiels“, on trouve principalement des citoyen.ne.s nigérien.ne.s. Sur la base d'un accord entre le Niger et l'Algérie, ils sont conduits directement à Assamaka, où ils sont ensuite transportés par les autorités nigériennes à Arlit ou Agadez. En revanche, les transports dits „non officiels“ concernent principalement des personnes originaires d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale, mais aussi de pays arabes ou asiatiques. Elles sont abandonnées au point zéro, à la frontière algéro-nigérienne, et doivent  parcourir  15 kilomètres à pieds jusqu'à Assamaka. 

Avec la recrudescence de ces expulsions, une crise humanitaire est en train de se produire dans le village frontalier d‘Assamaka, aggravée de jour en jour par le fait que depuis décembre 2022, le centre d‘accueil de l'OIM à Assamaka n'enregistre plus les nouvelles personnes expulsées. Plus l’équipe d’Alarme Phone Sahara rapporte que l’OIM soit présentement en train d’évacuer au fur et à mesure les 629 personnes qui étaient déjà dans son camp de transit avant de prendre d‘autres dispositions. Pour les milliers de personnes expulsées par les convois non-officiels comme conséquence de cette situation, aucun moyen de déplacement n’est mis en leur disposition pour quitter Assamaka, ni de la part de l’OIM, ni de la part de l’état nigérien. Seuls quelques-uns d'entre eux parviennent à se procurer un véhicule grâce à l'argent de leurs proches. Tous les autres restent à Assamaka, sans abris, sans couvertures ni nattes, sans approvisionnement en nourriture et en eau.

Cette situation met en danger non seulement la sécurité des personnes expulsées, mais aussi celle de la population locale : en effet, les personnes expulsées se voient contraintes de mendier auprès de la population locale, certaines volent et abattent même des animaux pour se nourrir. Cela crée des tensions et des conflits supplémentaires et met de plus en plus en danger la sécurité générale. La police locale donc a instauré un couvre-feu qui interdit aux personnes expulsées de circuler dans le village à partir de 21:00 heures. Cela rend leursituation encore plus précaire.

 

La crise humanitaire actuelle à Assamaka est une conséquence directe de la poursuite des expulsions massives de migrant.e.s depuis l'Algérie - favorisées par l'UE - et de la précarité des services fournis jusqu'à présent par l'OIM à Assamaka. Alarme Phone Sahara demande donc l'arrêt immédiat des expulsions. Cela implique également que l'Etat nigérien renonce à sesaccords d'expulsion avec l'Algérie. De plus, Alarme Phone Sahara demande  au rapporteur de l’ONU sur la migration d’assumer sa reponsablilité et de faire pression sur l’Algérie pour respecter son engagement international dans les accords des droits humains.

Une réponse immédiate à la crise humanitaire à Assamaka est tout aussi importante. Alarme Phone Sahara demande donc que l'État nigérien, en collaboration avec la communauté internationale et les organisations nationales et internationales, prennent le plus rapidement possible des mesures de protection pour les migrants et les personnes ayant fui Assamaka, notamment les suivantes :

 

  • Evacuation immédiate des milliers de migrant.e.s bloqué.e.s à Assamaka dans des conditions insupportables et leur réinsertion dans des conditions de vie dignes et humaines!
  • Réouverture immédiate de capacités suffisantes de l’accueil, de l’hébergement, de la prise en charge et du transport pour tou.te.s lesmigrant.e.s et réfugié.e.s qui en ont besoin!
  • Déblocage immédiat et urgent de moyens suffisants pour des structures locales ou d’autres porteuses d’aide humanitaire qui sont prêtes et capables de prendre en mains des initiatives concrètes d’assistance pour les migrant.e.sexpulsé.e.s et bloqué.e.s au Niger!

 

15.03.2023, Assamaka, Agadez, Niamey, Vienne, Hambourg, Brêmes

 

P.S.: Outre l'organisation humanitaire Médecins sans frontières (MSF), qui continue à fournir un soutien dans le domaine de la santé, Alarme Phone Sahara est actuellement la seule organisation de défense des droits de l'homme à être présente en permanence à Assamaka et à offrir un soutien pratique aux personnes expulsées. Dans ce contexte, nous tenons à souligner que la déclaration faite par plusieurs membres du personnel de l'OIM au Niger, selon laquelle l'OIM continuerait à soutenir les personnes expulsées à Assamaka, est à vérifier et ne correspond pas à nos propres observations.

Nous souhaitons au contraire insister sur le fait que l'ampleur de la catastrophe humanitaire à Assamaka est telle qu'elle ne peut être résolue que par un effort conjoint de la communauté internationale.

 

  

Personnes expulsées au bureau d'APS à Assamaka, 17.03.2023      Tricycle d'APS en assistance pour des personnes expulsées, 03.03.2023