samedi, 14 novembre 2020
Les expulsions massives d'Algérie au Niger continuent - quand est-ce que ce drame sera stoppé?

Au moins 1089 personnes expulsé-e-s entre le 12 et le 14 Novembre 2020

Après que au moins 6747 gens étaient expulsé-e-s de l'Algérie au Niger entre le 31 Septembre et le 27 Octobre 2020, les expulsions continuent pendant le mois du Novembre 2020 avec 445 personnes expulsé-e-s le 12 et 644 personnes le 14 Novembre.

 

Convoi d'expulsion non-officiel du 12 Novembre 2020

Selon les lanceurs d'alerte d'Alarme Phone Sahara, 445 personnes expulsé-e-s dans un convoi non-officiel sont arrivé-e-s à Assamaka à la frontière algéro-nigérienne le 12 Novembre 2020. Comme dans des autres convois non-officiels, les personnes victimes de ces expulsions extra-légales sont des ressortissant-e-s de beaucoup de différents pays de l'Afrique subsaharienne. Les plus grands groupes sont 119 citoyen-ne-s de la Guinée Conakry, dont 4 femmes, et 102 citoyen-ne-s du Mali, dont deux femmes et un garcon mineur. En plus, il y avait 60 Sierra Leonais-e-s, 43 Senegalais-e-s, 37 Invoirien-ne-s et 24 Burkinabè et aussi des ressortissant-e-s du Liberia, du Cameroun, du Togo, du Ghana, de la Mauritanie, du Benin, du Nigeria, de la Guinée Bissau, de la Gambie et de l'Éthiopie.

D'habitude, les gens expulsé-e-s dans les convois non-officiels sont déposé-e-s dans la zone frontalière entre l'Algérie et le Niger en plein désert et forcé-e-s à marcher une distance de 15 à 20 kilomètres jusqu' au poste de frontière d'Assamaka. Avec ce pratique, les forces de sécurité algériens mettent la vie des personnes expulsées en danger, risquant qu'elles se perdent en désert. Déjà en 2018, l'état du Niger avait demandé à l'Algérie de mettre fin à ces renvois de ressortissant-e-s non nigérien-ne-s, mais en vain. Par contre, les expulsions en convois non-officiels continuent en grande échelle.

La plupart des personnes expulsées d'Algérie vers le Niger se retrouvent dans les camps de l'OIM à Agadez, où beaucoup d'entre eux restent bloquées s'il n'y a ni la possibilité de retourner dans leurs régions ou pays d'origine, ni la possibilité de continuer leur trajet de migration.

 

Convoi d'expulsion officiel du 14 Novembre 2020 - au moins 144 personnes mineures parmi les expulsé-e-s

Le 14 Novembre 2020, le grand nombre de 644 citoyen-ne-s du Niger sont arrivé-e-s à Assamaka avec un convoi d'expulsion officiel selon l'observation des lanceurs d'alerte d'Alarme Phone Sahara. Appart 456 hommes et 44 femmes adultes, il y avait aussi 69 filles mineures et 75 garcons mineurs parmi ces personnes expulsées. Le grand nombre de mineur-e-s expulsé-e-s est inquiétant dans le contexte où, selon Human Rights Watch, des enfants ont été séparés de leurs familles et expulsés seuls ces dernières semaines dans le cadre des expulsions d'Algérie. 

 

Alarme Phone Sahara - une solidarité concrète avec des personnes expulsées

En face de la situation des migrant-e-s et réfugié-e-s expulsé-e-s qui restent souvent bloqué-e-s dans des camps et "ghettos" d'Agadez dans des conditions précaires, Alarme Phone Sahara a initié le projet d'une cuisine collective. Cette cuisine est organisée une fois par semaine, chaque fois pour une des différentes communautés de migrant-e-s et réfugié-e-s qui se trouvent présentement à Agadez.

 

Témoignages des migrant-e-s expulsé-e-s

Lors de la réunion à la cuisine collective, plusieurs personnes ont raconté comment elles avaient vécu les déportations massives d'Algérie. Le 14 Novembre, trois hommes maliens ont partagé leur histoire. Eux tous rapportent qu'ils ont été pris complètement par surprise par les raids des forces de sécurité algériennes, dépouillés de leurs effets personnels et déportés dans des conditions tortueuses. Un parmi eux raconte qu'il a témoigné la mort d'un homme du Niger qui était expulsé dans un convoi ensemble avec lui:

 

Témoignage d'un migrant malien (nom inconnu à la rédaction)

"(...) Moi-même le convoi où on était. Donc il y avait un Nigérien là-bas. Lui-même il est mort sur la route puisque on était sur la route de désert. (...)"

Je salue à toute l’Afrique, à la communauté, aux dirigeants de l’Afrique. Être un migrant ce n’est pas facile. C’est quelque chose qui nous amène pour aller à la recherche. Donc ce n’est pas parce que chez nous là-bas ce n’est pas doux. Dans le monde, riens des pays n'est plus doux que pour toi. Donc c’est à cause de l’Afrique, de la mal gouvernance qui a été fait et nous sommes, nous avons pris la route vers l’Algérie. En Algérie aussi, la souffrance on a tout vu. L’Algérie, je n’en parle pas de ça.

Arrivé en Algérie, en sortant de l’Algérie pour arriver à la frontière de Assamaka. La souffrance. Moi-même le convoi où on était. Donc il y avait un Nigérien là-bas. Lui-même il est mort sur la route puisque on était sur la route de désert. Donc il n’y avait pas des bavettes. Donc selon moi il a observé trop de poussière. Au moment où on était au véhicule, il vomissait souvent le sang. Donc on a signalé, comment on l’appelle, le chauffeur. Il nous fait comme n’importe quoi. Donc finalement lui-même il a perdu sa vie.

Au moment arrivé à Arlit aussi, dès que on nous a accueilli, on ne donne pas des vêtements. La couverture aussi, ce n’était pas la couverture. Simplement comme un drap de rideau. Ce n’était pas la couverture. Bon là où nous sommes on est dans un moment de fraîcheur, tu voie.

Même arrivé à Agadez finalement Dieu a fait qu’on s’est tombé chez l’association d’APS. Donc moi-même, c'est grâce à APS que j’ai gagné ça. Les tenues que j'avais, seulement j’avais, les gendarmes m’ont attrapé, à ce moment j’avais un débardeur. Donc c'est avec le débardeur j’ai traversé le désert jusqu’à Niger.

 

Témoignage de Mamadou Diallo, ressortissant du Mali

"(...) L’Algérie on nous prend et on retire tous nos bien sans nous donne à manger, ils viennent nous jeter à la frontière du Niger. On va marcher à pieds de l’Algérie jusqu’au Niger. (...)"

Assalamu alaikum wa rahmatullahi taallah wa barakatuh. Aujourd’hui je suis un migrant refoulé vers Niger. Je suis la nationalité malienne. Mon nom c’est Mamadou Diallo. En fait, je suis là aujourd'hui, c’est juste pour m’exprimer ce que j’ai vécu de de l’Algérie jusqu’au Niger pour faire comprendre en Afrique ce que les migrant.e.s aujourd’hui souffrent. Nous les migrant.e.s on sort maintenant pour aller en Algérie, ce n’est pas parce que l’Algérie est le paradis ni notre pays est l’enfer. Mais on sorte juste pour aller chercher de quoi à faire dans notre pays.

Mais arrivé en Algérie on travaille, on ne vole pas. Tout les travaux dures dans le chantier c’est nous les migrant.e.s qui font. On déplace les poids lourds, d’autres tombent des balcons, d’autres même il y a des grilles qui fait massacres des gens là-bas. Malgré tout cela les petites choses qu’on gagne en Algérie les Algérien.ne.s ne nous laissent pas. Ils sont toujours derrières nous pour nous refouler vers nos pays. Mais les refoulements n’est pas mauvais. Si tu prends quelqu’un, au moins il faut penser que lui aussi il a dépensé pour rentrer chez toi. Il n’est pas venu par le vent. Mais s’il rentre chez toi, le travail qu’il a fait pour gagner un peu, tu le retire tout pour t'enrichir ou quoi, je ne sais pas.

Mais tout ce qu’on travaille si on nous prend l’argent, le téléphone, même les habilles. Moi, on m’a pris en Algérie. J’étais même dans la douche en train de me laver. Ils m’ont pris. Téléphone, l’argent, chaussures, tout est resté derrière moi.

Mais aujourd’hui je remercie Allah parce que c’est Allah qui est le tout puissant. Je me suis rencontré au Niger avec une association d’APS qui nous a donné aujourd’hui à manger. Ils nous ont donné, nous on s’est lavé. On s’est reposé. On a bien mangé. Donc je fais ce témoignage aujourd’hui pour montre à nos dirigeants ce que nous avons vécu aujourd’hui au-dehors du pays.

Quand-même si l’Algérie fait ça parce qu’on est noir.e.s, on ne sait pas où parce que c’est nos dirigeants qui les a donné l'ordre pour faire cela, on ne sait pas. Mais nos dirigeants aussi n'ont qu'à chercher d'avoir une solution de quoi freiner cette situation.

Parce qu’il y a beaucoup des parents aujourd’hui qui vivent au Mali et pensent que leurs enfants sont derrière l’océan, ils sont déjà rentrés en Europe tandis que leurs enfants sont morts, sont déjà morts dans le désert. D’autres même, ils n’ont pas trouvé leurs cadavres.

L’Algérie on nous prend et on retire tous nos bien sans nous donne à manger, ils viennent nous jeter à la frontière du Niger. On va marcher à pieds de l’Algérie jusqu’au Niger. Toutes les souffrances qui se passent là-bas, c’est nous qui savons. Et tout le monde connait le désert. L’enfant qui jamais vécu le désert, si on te prend pour te jeter dans le désert...

Donc, ma parole c’est juste là aujourd’hui à APS pour tous les bienfaits qu'ils nous ont fait et je remercie aussi Allah d’avoir rencontré aussi cette association.

 

Témoignage d'un migrant malien (nom inconnu à la rédaction)

"Ils vont arracher tout d’abord. Si tu négliges encore on te frappe en plus pour te blesser du mal."

Par rapport les migrations comment ils ont fait attraper les gens (...). Ils ont dit c’est émigration. Donc comment on va dire émigration, exemple émigration, ce que moi je comprends à émigration quelqu’un qui ne travaille pas, quelqu’un qui ne fait rien, qui va par la route, maintenant il va aller tenter la chance. Mais ce qui se passe vers l’Algérie ça nous trouve nous les émigrants qui sommes ici. Ils vont venir trouver toi dans ton lieu du travail.

Tu es bien avec ton patron, tu peux bien travailler tranquille. Le matin ils vont trouver toi, ce qui concerne eux d’abord, avant on te prend, c’est pour prendre ton bien, ce qui est avec toi. Ils vont arracher tout d’abord. Si tu négliges encore on te frappe en plus pour te blesser du mal. Il y a certains des gens qui sont ici, qui ont recu ces frappes, qui sont blessé-e-s et qui sont resté-e-s ici, ils ne sont pas bien à cause de leur frappe.

Depuis à Arlit là-bas, il y a certains qui sont malades, ils vont te faire passer vite. Bon ça nous fait nous, les émigrations, très mal. On va prendre ton bien, tout, l'argent, le fond, on te libère, oui, on te prend. On te dépose comme on dirait un quelqu’un, même animaux, pour moi ils ne font pas ça. Même animaux je pense il vont mieux que ça.

Donc en tout cas moi, ça me fait très mal. Pourquoi ? Moi je vais te dire, sors chez moi, allez chez toi. Prends ton bien et tu parts. C'est ça qu’on dit l'homme qui va connaitre la valeur de l'homme. Ça pour moi ça me fait mal. Donc voilà ma question: Pourquoi ça ?!

 

L'état Algérien et sa politique de persécution de migrant-e-s

La pratique des rafles et des expulsions d'Algérie, qui s'est intensifiée ces dernières années, s'accompagne d'une propagande raciste contre des travailleurs saisonnièr-e-s nigérien-e-s et contre les personnes qui dépendent de la mendicité, et plus généralement contre tou-te-s les migrant-e-s et réfugiés des pays d'Afrique subsaharienne.

L'actuelle vague de raffles, d'arrestations et d'expulsions est un résultat direct de la "réforme migratoire" et de la création d'une commission interministérielle pour lutter contre la "migration irrégulière", annoncée par le ministre algérien de l'intérieur Kamel Beldjoud lors d'une session plénière du parlement le 30 septembre.

Les "mesures complémentaires" annoncées par le ministre comptent des barrages mixtes entre la police et la gendarmerie sur les routes frontalières, la démolition des "habitations anarchiques" abritant des migrant-e-s, comme des hangars ou des chantiers de construction, le démantèlement des réseaux d'accueil de migrant-e-s ainsi que la confiscation automatique de moyens de transport.

D'un part, cette sorte de déclaration de guerre contre les migrant-e-s en Algérie suit l'intérêt des autorités algériennes de réduire le nombre de migrant-e-s et de satisfaire le racisme au sein de la société autochtone. D'autre part, c'est une chance pour eux de se positionner comme des gardiens pour le régime frontalier des états de l’Union Européenne. Bien que l'état algérien a refusé jusqu'à maintenant de signer un accord officiel sur les migrations avec les pays de l'UE, sa politique d'expulsion impitoyable le servira comme atout dans les prochaines négociations avec les états européens sur les crédits et les coopérations économiques face à la profonde crise économique.

En plus, la collaboration existe déjà sous forme de livraisons de grandes quantités de marchandises militaires et sécuritaires pour l'armée, la police et la gendarmerie algérienne, comme des technologies de surveillance ou des véhicules de Mercedes-Benz.

 

En face de ce drame continué:

  • Alarme Phone Sahara demande l'arrête immédiat des opérations d'expulsion et de refoulement d'Algérie vers le Niger - non à la guerre aux réfugié-e-s et migrant-e-s!
  • Alarme Phone Sahara demande l'arrêt des actes de vol et violence par les forces de sécurité de l'Algérie contre les migrant-e-s et réfugié-e-s!
  • Alarme Phone Sahara demande l'arrêt immédiat de la séparation d'enfants de leurs parents et des arrestations et expulsions d'enfants!
  • Alarme Phone Sahara demande l'annulation de l'accord d'expulsion entre l'Algérie et le Niger!
  • Alarme Phone Sahara demande l'arrêt des livraisons de marchandises militaires et sécuritaires à l'état algérien!
  • Alarme Phone Sahara demande l'arrêt de l'externalisation des frontières européennes sur le sol africain!
  • Alarme Phone Sahara appelle aux sociétés civiles des pays impliqués et concernés à résister contre les expulsions et refoulements et à défendre la vie, les droits et la liberté de circulation des migrant-e-s et réfugié-e-s!
  • Alarme Phone Sahara appelle aussi aux autorités et parlements des pays concernés, entre autres le Mali et la Guinée, de soutenir leurs concitoyen-ne-s et se prononcer contre les expulsions massives de l’Algérie au Niger.